Texte sur le fascisme, par Azelma Sigaux

Dans cet article sur le fascisme, Azelma Sigaux s'interroge sur les rouages de l'extrême-droite, et comment il s'articule face au libéralisme.

PENSÉES, OPINIONS, CHRONIQUES ET ARTICLES

10/2/20193 min temps de lecture

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Ce texte était initialement prévu pour être publié dans Le Monde Libertaire. Suite à mon éviction par le comité de rédaction (voir ma lettre de réponse aux polémiques, que m'a demandé de rédiger la rédaction avant finalement de céder à la pression de certains groupuscules), je décide de l'auto-publier. Etonnamment, le thème de ma chronique concorde parfaitement avec la situation que je vis actuellement : le fascisme ne vient pas toujours de là où on pense !

Le dictat de la peur

Le fascisme, de tout temps, s’est défini par deux points essentiels : nationalisme et totalitarisme. Le point commun à ces deux termes ? La peur. Et si la haine découle souvent de cette émotion primaire, c’est bien celle-ci qui m’interpelle avant tout. Car si la peur se soigne, la haine a tendance à être coriace. Ce qui fait peur, c’est ce que nous ne connaissons pas. Dans certains cas, il y a aussi l’angoisse irraisonnée, la phobie qui fait suite à un traumatisme. Mais en règle générale, et heureusement, il s’agit d’une simple frousse.

Les fascistes se disent anti-système, libres et détenteurs de vérité. Or, c’est tout le contraire qui se produit. Ce sont bien les médias et les outils de propagande de l’ultra-droite qui forgent dans leur esprit ce climat de peur. Mais c’est aussi le cercle fermé dans lequel ils se cloitrent, qui les maintient dans cette prison mentale. Encensés par leurs proches, les raccourcis sont alors rapidement adoptés dans le langage quotidien. Les immigrés sont des profiteurs et des délinquants, le mariage gay est immoral, quant à l’écologie, c’est un truc de bobo-gauchistes.

La peur est celle de perdre ses propres avantages. Son petit confort. Ses habitudes. C’est celle du changement, au sens large. Voir les peaux se colorer, les cultures se transformer. Les modèles familiaux se métamorphoser. Cette peur est donc celle de l’évolution des consciences, des lois et des droits. Pour des personnes qui se disent éveillées, en voilà un beau paradoxe.

Mais ne rentrons pas dans le schéma suivi par nos adversaires idéologiques. Ne faisons pas d’amalgames, ne nous perdons pas dans la guerre des étiquettes. Les fascistes, qui d’ailleurs ne se définissent pas toujours comme tels ou le sont devenus par défaut, ne peuvent pas se résumer à de simples racistes homophobes. Il s’agit avant tout de personnes qui souffrent du néo-libéralisme actuel et qui rêvent d’un idéal. N’est-ce pas là un point commun fondamental avec les utopistes anar en 2019 ? Evidemment, l’idéal en question n’est pas le même pour tout le monde. Mais le but qui nous lie tous n’est-il pas le bonheur et la paix ? Qui, à part un psychopathe, rêve d’une nouvelle guerre ? D’une tuerie de masse ? D’une population uniforme soumise à un dictateur ?

En s’entourant de gens d’accord avec soi en permanence, on finit par manquer de recul, mais surtout de poids. Pour renverser le système, il s’agit aussi d’échanger, de débattre, et se construire soi-même. S’intéresser aux idées contraires aux siennes, c’est aussi s’enrichir, tout en enrichissant l’autre. Par un système de vases communicants, les idées anciennes s’adaptent aux réalités nouvelles, et on devient plus forts.

Le fascisme actuel, grandissant, n’est autre qu’une conséquence de la politique libérale. Les défenseurs de l’extrême-droite sont donc directement liés au système qu’ils combattent, sans s’en rendre compte. Et cela commence souvent par des choses innocentes, des coutumes, des mœurs adoptées depuis l’enfance, des modèles insoupçonnables. Le nationalisme, par exemple, élément fondateur du fascisme, est visible partout, même chez les anti-fascistes et à l’état embryonnaire. Le football, représenté par ses supporters, est un pan du chauvinisme faussement ludique. Et cette hymne chantée dans les stades, une tradition bien plus lourde de sens qu’elle ne parait. Bien d’autres exemples de patriotisme camouflé existent et doivent être pointés du doigt, du simple blason de village aux guerres de voisinage. Sans un profond travail d’éducation populaire, le fascisme ne s’éteindra jamais.

Plus que jamais, dans un contexte aussi tendu que celui qui nous lie actuellement de chaque côté du globe, il est urgent de combattre le fascisme. Car celui-ci, menaçant, s’oppose précisément au bien planétaire, puisqu’il enferme les gens derrière des frontières physiques et morales. Brisons ces tabous de la façon la plus pacifique et efficace possible : celle du débat et de l’information. Ainsi, s’effacera la peur.